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Tshisekedi : les défis d’une succession non écrite

C’est un hommage unanime qui accompagne le décès d’Etienne Tshisekedi survenu le 1er février dernier à l’hôpital Ste Elisabeth de Bruxelles.

Si pour les militants de l’Udps comme pour ceux du Rassemblement la chose paraît toute naturelle, beaucoup de Congolais sont en revanche surpris par le discours de certains ténors de la majorité. Il est vrai que la plupart d’entre eux ont fait leurs armes à l’Udps avant de traverser la rue pour des raisons plus économiques et sociales que politiques ou idéologiques. Tout comme nombreux sont ceux qui s’y sont régulièrement précipités avant les échéances politiques afin d’arracher la photo pouvant servir de passeport auprès de l’opinion.

Les ministres Félix Kabange, Lambert Mende Omalanga, Théophike Bemba Fundu… pour ne citer que ces derniers… Les honorables députés comme Henriette Wamu, Aubin Minaku …se sont associés à l’hommage de la nation pour saluer l’immense combat qui aurait pu changer le Congo si chacun avait pu, en son temps, mettre son énergie au service de la cause commune. Aujourd’hui, certaines partitions de cet hommage ne peut malheureusement que souligner l’erreur historique de ceux qui, régulièrement, choisissaient le confort des maroquins pendant que Tshisekedi, prêchant la démocratie, la liberté et les droits de l’homme, la justice et le progrès social vivait de sarcasmes, d’emprisonnements, de relégations et de tortures tant physiques que psychologiques qui ont à coup sûr, malgré son respectable âge, fait vaciller sa santé au fil des ans.

Diaspora congolaise, diplomates et hommes politiques étrangers ont ajouté leurs voix à l’hommage comme en témoignent ces images en provenance de Bruxelles qui ont transformé …Heysel en lieu de pèlerinage.

De voir la veuve Mobutu, l’épouse Jean Pierre Bemba, des Congolais et des Africains de tous horizons et de toutes conditions affluer par foules entières vers la capitale belge pour un hommage aussi solennel que silencieux souligne assez l’immensité de l’homme qu’a été Etienne Tshisekedi.

Maintenant, la question la plus importante est de savoir s’il suffit de cet hommage, sans partager les valeurs et les idéaux qui ont fait la vie d’Etienne Tshisekedi pour que la RDC soit sauvée de la bêtise humaine et de l’inconscience de ses élites?

C’est à coup sûr toute la mesure des défis qui attendent la classe politique congolaise dans les jours, semaines et mois à venir.

Premièrement, des voix ont commencé à s’élever au sein de la majorité pour appeler à la renégociation de l’accord du Centre interdiocésain, un peu comme si ce dernier avait été taillé à la mesure d’Etienne Tshisekedi. Il est vrai que sans un minimum de sagesse, notamment en faveur d’une gestion plus collégiale, ou la désignation d’un ecclésiastique par exemple, le processus de nomination du successeur d’Etienne Tshisekedi à la tête du Conseil de suivi de l’accord pourrait se transformer en occasions de nouvelles batailles.

Deuxièmement, plus d’un mois après la signature de l’Accord du 31 décembre 2016, les nombreux retards accumulés tendent à confirmer que le meilleur que certains Congolais souhaitent réellement à leur pays n’est pas la paix des cœurs et des esprits propice au développement, mais plutôt que les élections ne se tiennent pas dans un an, même si ce schéma devait réinstaller la RDC dans le doute et l’instabilité, synonymes d’un coup d’Etat permanent pour la conquête ou la conservation du pouvoir.

Troisième défi, comment, en l’absence d’Etienne Tshisekedi, faire du Rassemblement des Forces Politiques et Sociales acquises au changement un opérateur réellement crédible, à l’abri des tensions et des tentations, comme l’ont récemment démontré, d’une part la sortie médiatique de Pierre Lumbi mettant en garde contre toute manipulation dans le dos de Tshisekedi pour la désignation du Premier ministre et, d’autre part, la maladresse unanimement décriée de Raphaël Katebe Katoto, y compris par son propre jeune frère Moïse Katumbi, se déclarant favorable à l’établissement d’une liste de candidats Premier ministre, réussissant du coup à semer la suspicion au sein du Rassemblement?

Enfin, l’incertitude n’est pas moins présente dans les interrogations sur l’avenir de l’Udps, la principale force politique de l’opposition et locomotive du Rassemblement. Comment, en effet, va s’organiser la succession d’Etienne Tshisekedi entre ambitions familiales et celles de nombreux cadres du parti qui n’aspirent qu’à occuper son leadership? Depuis son retour au pays en juillet 2016, Etienne Tshisekedi n’avait eu le temps que de s’investir dans les négociations politiques au nom du Rassemblement, ne s’occupant de son parti que pour changer l’équipe du secrétariat général alors dirigée par Bruno Mavungu pour la remplacer celle de Jean Marc Kabund. En l’absence de la Convention Nationale et de la Commission des élections, chargées par les statuts de gérer une transition de 30 jours avec le secrétariat général avant la tenue d’un congrès électif, force est de se rendre à l’évidence : l’Udps est partie pour un nouveau casse-tête. D’autant que, à lire les lignes de fracture interne, deux principales figures – ce qui n’exclut nullement des outsiders –sont en train d’émerger.

Il s’agit d’abord de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le fils de son père. Il a pour lui le nom, mais aussi le soutien de la famille biologique et de larges pans de l’opinion interne qui veut voir en lui la réincarnation et la continuation du combat d’Etienne Tshisekedi, sans nécessairement en avoir tous les atouts, notamment historiques. Félix Tshilombo bénéficiait aussi, depuis un certain temps, du soutien de certaines chancelleries occidentales, notamment les milieux libéraux belges qui avaient tenté à plusieurs reprises, auprès de son défunt père, de promouvoir, en termes d’apaisement et de réconciliation, un duo Kabila-Tshilombo à la tête du pays. D’où les appels de pied, à travers différents rounds de négociation pour le dialogue, au fils du leader de l’Udps qui ne pouvait toutefois pas s’engager sans l’aval de son père.

Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, le même Félix Tshisekedi est adoubé par le clan Katumbi qui a toujours plaidé, pour des raisons de son propre confort politique, pour la prise du pouvoir du fils Tshisekedi, d’abord au sein du parti pour mieux le contrôler, ensuite comme Premier ministre de la transition, sans doute pour réserver le rôle de candidat de l’opposition à la présidentielle à Moïse Katumbi. Une perspective loin d’être partagée par la base de l’Udps et sur laquelle feu Etienne Tshisekedi ne s’était pas encore publiquement prononcé, bien qu’on doute qu’il ait jamais été dans ses intentions que l’Udps renonce à jouer les premiers rôles lors de la présidentielle.

Dans le rôle du challenger, c’est Valentin Mubake Nombi qui est généralement cité. Ingénieur de formation, l’homme a un pedigree politique qui lui confère un poids indiscutable pour avoir été l’un des ténors de la société civile à la conférence nationale souveraine avant de rejoindre l’Udps où il a été de tous les combats : comme président du comité national-parlement du parti, délégué à toutes les négociations, conseiller politique de Tshisekedi aujourd’hui secrétaire général adjoint. Mubake est le leader non désigné de la ligne radicale et des franges extrémistes appelées «Forces de progrès » qui n’hésitent pas à faire le coup de poing pour régler certains différends à l’interne comme à l’externe. Ce qui a conduit Mubake à connaître ces dernières années une longue traversée du désert, durant laquelle il s’était quelque peu associé à certains frondeurs dans les capitales occidentales, lui valant du coup des accusations de lèse-majesté.

Selon des observateurs, le défi de la succession d’Etienne Tshisekedi est d’autant plus dramatique que du Rassemblement à l’Udps, les tentatives de déstabilisation comme les OPA ne vont pas manquer pour le contrôle ou la mise à mort de cette puissante machine. Entre Kabilistes et Katumbistes, c’est une autre bataille qui s’annonce

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