Plusieurs commentateurs n’ont pas hésité à assimiler le destin de Samy Badibanga, aussitôt nommé au poste de Premier Ministre de la République démocratique du Congo, à celui de Faustin Birindwa. Le premier est identifié à l’Udps qui l’a révélé en 2011 à la faveur de la compagne électorale au cours de laquelle il a occupé les fonctions de conseiller spécial d’Etienne Tshisekedi, candidat de son parti et président national de l’Udps. Elu député national sur les listes de l’Udps avant de devenir président du groupe parlementaire Udps et Alliés, il a été exclu du parti avec plusieurs de ses collègues pour avoir désobéi au mot d’ordre de ne pas siéger à l’Assemblée Nationale.
Quant à Faustin Birindwa, il fut dans les années 80 et début 90 le tout puissant secrétaire national en charge de l’organisation, ce qui lui avait permis d’avoir en mains toutes les structures de base de l’Udps, tout en lui offrant une visibilité exceptionnelle sur la scène politique nationale.
Après la révocation par Mobutu du gouvernement Tshisekedi issu de la Conférence nationale souveraine en décembre 1992, s’était ouvert début 1993 un conclave des forces politiques proches de l’ancien président de la république. Ce conclave aboutit à la mise en place de nouveaux textes régissant la période de transition et la nomination d’un nouveau Premier Ministre issu de l’opposition en la personne de Faustin Birindwa, dont le mandat courut d’avril 1993 à janvier 1994. Faustin Birindwa est mort dans l’anonymat le plus complet le 29 avril 1999.
Autre similitude : à l’instar de Faustin Birindwa, Samy Badibanga est le produit d’un conclave qui a réuni la majorité au pouvoir avec les forces politiques et sociales ayant adhéré au schéma du dialogue qui s’est tenu du 1er septembre au 18 octobre 2016 à la Cité de l’Union Africaine, date à laquelle a été signé l’accord facilité par le Togolais Edem Kodjo.
Quand bien même, de l’avis général, Samy Badibanga a été nommé dans des conditions presqu’identiques avec Faustin Birindwa, les ressemblances s’arrêtent cependant là. Contrairement à son prédécesseur, Samy Badibanga qui a fait l’objet d’une exclusion de son parti il y a quatre ans et que les Congolais n’ont appris à connaître qu’à la faveur des élections de 2011, n’a pas autant de racines à l’Udps que Faustin Birindwa, qui pouvait déclarer dans un meeting que «nous sommes tous des Moïse», dans une tentative de rébellion plus ou moins assumée contre le leadership d’Etienne Tshisekedi.
Samy Badibanga qui ne jouit pas de la légitimité historique du combat contre la dictature est plutôt accusé d’être une sorte de cheval de Troie destiné à fragiliser l’Udps en entretenant les dissidences ou en semant la confusion au sein dans la base kasaïenne – dont il est ressortissant tout comme Etienne Tshisekedi – qui sert de socle à l’Udps. Un statut qui risque de le laminer comme, par le passé, le fondateur Joseph Ngalula et le Professeur Dikonda. Badibanga est en outre desservi par le contexte particulier de la fin du deuxième et dernier mandat de Joseph Kabila. Beaucoup de critiques doutent en effet de la capacité du transfuge de l’Udps, contrairement par exemple à Vital Kamerhe, d’aller jusqu’au clash pour exiger le respect total de l’accord du 18 octobre ou pour réclamer une répartition des compétences plus conforme à la nouvelle période. A titre d’illustration, il lui est déjà reproché d’avoir accepté le hold-up opéré par la majorité avec la désignation des animateurs des régies financières peu avant sa nomination, preuve que dans ce contexte de préparation des élections il n’aura pas le contrôle de l’ensemble du secteur des finances publiques. Un véritable piège lorsque les prévisions budgétaires pour 2017 ont été réduites de moitié pour plafonner à quatre milliards de dollars, faisant peser sur le processus électoral le spectre d’un report sans fin et d’un mandat perpétuel pour les dirigeants actuels.
Pour le reste, beaucoup d’observateurs ont noté que Samy Badibanga a été nommé alors que la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) poursuit sa médiation dans l’objectif d’arracher un dialogue plus inclusif appelé de tous leurs vœux par l’opposition et la communauté internationale. Une configuration dans laquelle Samy Badibanga servirait, au mieux, de monnaie d’échange dans le vaste marchandage qui va se mettre en place, tandis qu’au pire, il se contenterait de passer par pertes et profits. Du coup, les observateurs les plus critiques lui prédisent un mandat, non pas identique à celui de Faustin Birindwa entre avril 1993 et janvier 1994, mais plutôt semblable à celui de Bernardin Mungul Diaka, qui a à peine duré un mois, entre le 1er et le 25 novembre 1991.
D’ici là un constat unanime devra être fait : de Mungul Diaka à Samy Badibanga, en passant par Faustin Birindwa, ce sont encore et toujours les mêmes recettes du temps de Mobutu qui font et défont les gouvernements en RD Congo.