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Politique nationale
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Responsabilité de l’Assemblée nationale vis-à-vis des citoyens congolais : où en est-on ?

Ils sont 500 députés à l’Assemblée nationale, mais il n’est pas toujours évident de savoir ce qu’ils y font. Les raisons.

C’est une question à 10 millions de francs congolais : votre député a-t-il voté pour ou contre le projet de loi autorisant la ratification par la RDC de l’accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) ? Indice : le vote par appel nominal de ce texte important a eu lieu, le 22 janvier, au palais du Peuple. Ce soir-là, sur 340 élus présents, 330 ont approuvé ce texte majeur, tel que voulu par le président Félix Tshisekedi, huit ont voté contre et deux se sont abstenus, selon les chiffres officiels.

Il est difficile, voire impossible, aujourd’hui de savoir le sens du vote de chaque député congolais à l’Assemblée nationale lorsqu’une proposition ou un projet de loi doit être adopté. Cette information, censée être publique et recueillie par les services administratifs de l’Assemblée nationale, n’est en effet pas disponible au grand public. La même difficulté s’observe pour savoir quel député a été présent, ou non, à une séance plénière. Difficile donc d’avoir, par exemple, les noms de quelque 160 députés qui n’ont pas pris part à l’examen et au vote du projet de loi autorisant la ratification de la ZLECAF.

« Parce que toutes les majorités qui se sont succédé n’ont jamais voulu de la transparence dans le vote », Delly Sessanga

Selon des sources concordantes à l’Assemblée nationale, il y a quelques années, un kit électronique avait même été commandé pour rendre cet exercice plus transparent, mais cela n’a jamais été rendu fonctionnel. « Parce que toutes les majorités qui se sont succédé n’ont jamais voulu de la transparence dans le vote », a dénoncé lundi Delly Sesanga, député national qui est à sa troisième législature successive, lors du webinaire du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), organisé en marge du lancement de Talatala, baromètre de l’activité parlementaire et de l’action du gouvernement en RDC. Co-panéliste, Geneviève Inagosi, élue de Wamba, a abondé également dans le même sens : « De la manière dont nous fonctionnons actuellement, il est difficile de mettre un vote à un nom ou à un député. Et lorsque, parfois, on évoque des chiffres [tels que] ‘350 ont voté’, on se tourne et on se regarde. »

Inaccessibilité de l’information publique

 À l’Assemblée nationale congolaise, le déroulé du vote n’est qu’une illustration de l’inaccessibilité de l’information publique. Celle-ci appartient pourtant aux citoyens afin de leur permettre de participer pleinement au processus démocratique.

Ainsi devraient être mis à la disposition du public des informations sur des propositions ou projets de loi déposés, l’ordre du jour des plénières, les travaux au sein des commissions permanentes, les listes de présence ou les budgets alloués à certaines activités parlementaires, … Aujourd’hui, seules les plénières en hémicycle sont, de temps en temps, retransmises sur la RTNC, la radiotélévision publique. Mais, par cette voie, il n’est pas évident par exemple de savoir quel député a pris part, ou non, à une séance tant les listes de présence sur lesquelles les élus paraphent en arrivant dans la salle ne sont pas non plus accessibles.

Sans ces informations, la responsabilisation des élus vis-à-vis des citoyens devient problématique. Ces derniers ne disposent pas d’outils leur permettant de vérifier et d’évaluer les activités des élus. En conséquence, le travail parlementaire n’est pas suffisamment compris et le député est jugé sur le terrain de l’exécutif : ses électeurs l’attendent pour qu’il construise des ponts et réhabilite des écoles ou des centres de santé. Ce qui le détourne de son rôle de légiférer et de contrôler le gouvernement, les entreprises et services publics et qui pourrait inciter à la corruption pour satisfaire les besoins de ses électeurs.

« Redevabilité au peule » avec le bureau Mboso ?

Avec la mise en place d’un nouveau bureau à l’Assemblée nationale, c’est sans doute une opportunité qui s’offre aux députés pour rendre le travail parlementaire plus transparent et pleinement accessible. Et il y a des indices qui semblent aller dans la bonne direction. À l’ouverture de la session ordinaire de mars en cours par exemple, Christophe Mboso, fraîchement élu président de la chambre basse du Parlement, a indiqué que le nouveau bureau de l’Assemblée nationale « veillera à ce que l’Assemblée nationale, institution représentante du peuple dans sa globalité, s’active à incarner la voie démocratique avec tout ce que cela comporte », notamment, « en termes (…) de redevabilité au peuple ».

À ce jour, la RDC ne dispose pas encore d’une loi sur l’accès à l’information publique. Une proposition de loi présentée au Sénat en 2009 n’avait pas pu être soumise au débat général. Cela aurait pu fournir des modalités de l’exercice du droit à l’information consacré dans la Constitution. Un cadre légal permettrait également de réduire le caractère du secret administratif derrière lequel des services de différentes structures de l’administration congolaise, en général, s’abritent pour refuser de donner une information en rapport avec le fonctionnement et l’organisation du service public, exigeant parfois, préalablement, au demandeur la présentation d’une « autorisation de lever copie des pièces ».

En attendant, pour que la « redevabilité au peuple », souhaitée par Christophe Mboso, soit une réalité, le nouveau bureau devra souscrire aux standards garantissant le fonctionnement d’une assemblée respectueuse des citoyens, tels que énumérés entre autres dans la Déclaration pour l’ouverture et la transparence parlementaire, signée depuis 2012 par près de 200 organisations de la société civile à travers le monde

Talatala pour faire le pont entre citoyens -députés

À titre indicatif, cela suppose donc que l’Assemblée nationale devra « favoriser l’accès du public à l’information parlementaire » ; « reconnaître le droit et le devoir de la société civile, des médias et du grand public d’observer le parlement et les parlementaires » ; adopter des politiques qui assurent la diffusion proactive de l’information parlementaire (…) ;« publier des comptes-rendus des travaux des commissions” ;« conserver et mettre à la disposition du public un registre complet des votes individuels des parlementaires en séances plénières ou en commissions” ; « fournir l’information relative au budget et aux dépenses », « diffuser une information [parlementaire] complète et à jour ».

Pour tenter de faire le pont entre citoyens et députés, le GEC a lancé, le 26 mars, Tatalata (miroir, en lingala), baromètre qui se veut être le reflet de l’activité parlementaire afin d’éclairer les rapports entre les élus et les électeurs. On y trouve les fiches individuelles de chacun des 500 députés, reprenant les propositions de loi initiées, les moyens d’information ou de contrôle exercés ainsi que les interventions en hémicycle, mais aussi un guide didactique sur l’organisation et le fonctionnement de l’Assemblée nationale ainsi que les droits et devoirs des députés, une rubrique « Panorama des lois » dévoile en un clin d’oeil les statuts de chaque initiative législative, à côté de l’onglet « Suivi de l’activité parlementaire ». Un immense chantier en perspective.

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