Les élections de 2018, qui auraient dû être organisées deux ans plus tôt, devraient consacrer l’enracinement de la démocratie en République démocratique du Congo avec, pour la première fois depuis son indépendance, la passation de pouvoir entre un président sortant et un nouveau président démocratiquement élu. Après dix-sept années passées au pouvoir, le président Joseph Kabila est contraint par la constitution de céder la place à un successeur.
Ce rapport du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), le 3ème d’une série d’études sur ce processus électoral en RDC, examine l’environnement politique des élections du 23 décembre et son impact sur la crédibilité du processus.
À la veille de ces scrutins, l’appareil d’Etat est très largement dominé par la coalition au pouvoir, qui s’en est servie pour entraver la campagne des candidats de l’opposition et pour soutenir les siens. Plusieurs ténors de l’opposition ont été exclus de la course à la présidentielle et les forces de sécurité continuent de disperser et de faire des victimes lors de meetings de l’opposition, jusqu’à perturber le bon déroulement de la campagne. Les médias d’Etat couvrent quasi-exclusivement les apparitions d’Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat de Joseph Kabila et dénigrent ouvertement ses rivaux. « La disparité de moyens entre la coalition au pouvoir et l’opposition dans ces élections très coûteuses renforce le caractère ouvertement déloyal de cette compétition », commente Jason Stearns, directeur du GEC. A cela s’ajoute la politisation des institutions chargées du processus, la commission électorale et les cours chargées du contentieux, les défaillances du fichier électoral, le manque de consensus autour de l’utilisation d’une machine à voter. Tous ces éléments cumulés pourraient sérieusement remettre en cause la crédibilité des élections prévues pour le 23 décembre.
Malgré les enjeux et ces contraintes, seules trois des sept missions d’observation internationales présentes en 2006 seront déployées. Il s’agit des missions de l’Union Africaine et de deux organisations sous-régionales (SADC et CEEAC), moins critiques des précédents scrutins que leurs homologues européennes. L’essentiel de l’observation électorale sera assuré par les missions d’observations électorales nationales, qui sont obligées, comme les témoins des regroupements politiques, de créer des alliances pour couvrir toute l’étendue du territoire national.
Ces quatre dernières années ont démontré qu’il n’y avait plus de ligne rouge, à part peut-être celle du troisième mandat et la tenue des élections. D’après Jason Stearns, « Beaucoup de diplomates sont aujourd’hui convaincus que, quelle que soit la qualité des élections, ils ne pourront pas remettre en cause ces résultats. Finalement, c’est la population congolaise qui restera l’arbitre final des résultats. »
Au-delà même de l’enjeu sécuritaire pour le Congo, comme pour toute la région, ce sont les fondements même de la démocratie congolaise qui sont menacés. Depuis la fin de la guerre, le pays s’est doté d’un tout un enchevêtrement d’institutions, tant au niveau provincial que national. Mais ces dernières n’ont jamais permis un développement axé sur les besoins de la majorité de la population. Ces élections auraient pu permettre à l’Etat de se montrer plus responsable, moins abusif et plus soucieux de sa population. L’échec de ce processus électoral pourrait entamer définitivement la confiance des Congolais dans une résolution pacifique de la crise. Mais tout nouveau report risque de provoquer d’importantes vagues de contestation et de mettre en péril le peu de stabilité si chèrement recouvré depuis la fin de la guerre.
Le présent rapport est disponible en français et téléchargeable ici. Pour toute question ou demande d’interview en Français, Swahili ou Anglais, prière contacter Jason Stearns, Directeur du GEC, par téléphone au +1 203 584 4363 ou par email au js8296@nyu.edu.