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Dialogue : les risques de blocage demeurent

Le 24 juillet, on témoigne le dernière tournant dans le mélodrame congolais: Au nom du Rassemblement de l’opposition, Etienne Tshisekedi récuse le facilitateur du dialogue, Edem Kodjo.

La réaction de Smaïl Chergui, commissaire Paix et Sécurité de l’Union Africaine s’est voulue claire : il n’est pas question de nommer un nouveau facilitateur. « Nous allons attendre que ce dialogue commence. Nous écouterons tous les Congolais. Du moment qu’ils sont tous animés d’une véritable volonté pour faire avancer ce dialogue, le rôle du facilitateur devient secondaire », a-t-il indiqué. Avant de se féliciter que «l’opposition d’une manière ou d’une autre a émis des signaux positifs en direction de ce dialogue et que monsieur Tshisekedi rentre bientôt à Kinshasa. Conjugué avec les dernières mesures d’apaisement prises par le gouvernement, il me semble que les conditions sont réunies pour engager ce dialogue. Quelle que soit la mission du facilitateur, ce sont les Congolais qui vont se parler entre eux ».

Smaïl Chergui est globalement resté dans la ligne adoptée par l’Union Africaine, selon laquelle la récusation d’Edem Kodjo par une partie de l’opposition de change rien à la tenue du dialogue. Le commissaire africain était sur la même longueur d’onde que l’Eglise catholique, dont la Conférence Episcopale Nationale du Congo a appelé la majorité comme l’opposition à cesser de faire monter les enchères pour ne pas retarder la convocation du dialogue national censé conduire le pays à des élections apaisées. « Nous exhortons l’opposition à venir au dialogue (…), la majorité au pouvoir à donner des signes forts de bonne volonté », a précisé l’abbé Donatien Shole, secrétaire général adjoint de la CENCO.

L’Union Africaine tout comme l’Eglise catholique ne se sont pas, pour autant, prononcées sur le fond des revendications formulées par l’opposition. Parmi lesquelles la libération des prisonniers politiques et de l’espace médiatique, mais aussi la transformation du groupe de soutien en groupe de facilitation. S’agissant de la libération des prisonniers politiques, l’opposition n’est pas satisfaite des mesures de grâce annoncées par le chef de l’Etat, desquelles sont exclues plusieurs personnalités qu’elles considère comme prisonniers d’opinion – à l’instar de Jean Claude Muyambo du SCODE, Diomi Ndongala Zuamambo, Moïse Katumbi, Christopher Ngoy, à l’exclusion des six membres de Lucha qui ont d’ailleurs récusé leur élargissement.   L’opposition a aussi critiqué l’annonce précipitée par le facilitateur, le 23 juillet, de la date du 30 juillet pour le début des travaux préparatoires, sans consultation préalable.

Les doutes de l’opposition sur la facilitation d’Edem Kodjo ne datent pas d’aujourd’hui. L’homme charrie avec lui le passif de son comportement sur la scène politique togolaise durant la transition Eyadema, où il n’avait pas hésité à lâcher l’opposition pour devenir le premier ministre du dictateur togolais. Par ailleurs, le processus de sa désignation comme facilitateur avait posé, dès le départ, problème. Selon des sources proches de l’Union Africaine, c’est le président Kabila qui aurait demandé sa nomination. De son côté, l’UDPS avait souhaité que le facilitateur soit un médiateur nommé par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, Enfin, l’absence d’une déclaration claire définissant son mandat avait inquiété plusieurs membres de l’opposition. « Nous ne pensons pas que Kodjo ait assez de poids politique pour être un arbitre neutre dans cette affaire », avait indiqué un membre du G7, ce qui avait poussé, le 11 avril 2016, ce regroupement politique à proposer l’élargissement de la facilitation à un panel international constitué des représentants de l’OIF, de l’ONU et de l’UE. Une idée reprise plus tard par l’UDPS, ce parti ajoutant au panel un représentant des USA. Ce processus a abouti à la naissance d’un groupe de soutien, que l’opposition souhaite désormais voir jouer un rôle de co-facilitation.

Globalement, plusieurs formations politiques de l’opposition, comme certaines organisations de la société civile ouvertement hostiles au maintien au pouvoir du président Kabila, estiment que l’ancien premier ministre togolais est trop proche du chef de l’Etat et de la majorité présidentielle, qu’il ne prend pas en compte les préoccupations de l’opposition.

Au nom de la majorité, Aubin Minaku, secrétaire général de la MP, a estimé qu’il s’agissait d’une manœuvre de diversion. Des sources diplomatiques se sont inquiétées de l’absence de franchise dans le chef des acteurs politiques. En séjour dans le pays, le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a estimé pour sa part qu’un vrai dialogue était impossible au regard du nombre impressionnant des violations à caractère politique.

Les analystes évoquent deux hypothèses. Pour la première, il s’agirait d’un coup de bluff, dont personne ne sait cependant dire jusqu’où il pourrait aller sans impacter négativement sur la tenue d’un dialogue attendu aussi bien par les Congolais que par la Communauté internationale pour baliser la voie menant vers des élections apaisées. Les mêmes analystes estiment que, bien qu’elle s’en défende, la majorité ne peut que se frotter les mains dans le cadre global de sa stratégie de glissement. Pour la deuxième hypothèse, il s’agirait d’une pression supplémentaire sur le pouvoir, mais aussi sur le facilitateur afin, pour le premier, de rencontrer les conditions posées par l’opposition notamment pour la libération des prisonniers politiques, et une plus grande implication, pour l’autre, du groupe de soutien dans la facilitation, tout en rappelant à Edem Kodjo, qu’il ne bénéficiera jamais d’un chèque en blanc.

Dans un cas comme dans l’autre, les risques de blocage sont réels.

 

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