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Cach: comment va la coalition Félix Tshisekedi-Vital Kamerhe ?

Après l’épisode de Genève, Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi ont créé le Cap pour le changement (Cach). Comment va aujourd’hui cette coalition qui se retrouve au pouvoir
en RDC ?


Intro

Si l’entente entre le président Félix Tshisekedi et son allié Vital Kamerhe semble ne souffrir d’aucun malentendu, les tiraillements entre leurs états-majors respectifs paraissent de plus en plus au grand jour. Souffle en effet, depuis plusieurs semaines, comme un air de méfiance mutuelle, avec un léger goût de « ôte-toi que je m’y mette » au sein du Cap pour le changement (Cap).

Dans l’entourage du nouveau chef de l’État congolais, beaucoup ne digèrent plus la position prépondérante qu’occupe le leader de l’Union pour la nation congolaise (UNC) et voudraient bien qu’un d’entre eux prenne sa place de directeur du cabinet du président de la République. « Au début de l’exercice du pouvoir, plusieurs conseillers du président de la République ne voulaient pas passer par le directeur de cabinet pour obtenir, par exemple, des autorisations de voyager », raconte au Groupe d’étude sur le Congo (GEC) un ami commun à Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe. « Finalement, le chef de l’État est intervenu pour remettre de l’ordre et exiger à ses collaborateurs de passer systématiquement par Vital Kamerhe, sauf pour des missions que lui-même pourrait ordonner », précise-t-il.

Cach ou un mariage qui bat de l’aile

Mais cet épisode de défiance n’avait pas manqué de dévoiler sur la place publique le cafouillage dans le cabinet du chef de l’État. C’est le cas, entre autres, de ce surprenant échange de correspondances intervenu à la mi-mai entre Vital Kamerhe et Jean-Paul Malamba, assistant logistique au cabinet du chef de l’État : le premier dénonçait une nomination opérée par le second, la qualifiant d’ « usurpation de pouvoir », avant de voir ce dernier revenir à la charge, affirmant, lui, avoir « reçu des instructions claires sur ce sujet de la part du chef de l’État ».

S’en sont suivis plusieurs autres courriers et instructions officiels, souvent liés à des dépenses publiques, qui se retrouvent sur les réseaux sociaux. Dans l’entourage de Vital Kamerhe, on soupçonne d’ailleurs des proches de Félix Tshisekedi qui veulent, selon eux, obtenir le départ de leur leader du cabinet du chef de l’État d’être derrière toutes ces fuites des documents officiels portant souvent la signature du directeur de cabinet. « Mais ils ignorent vraisemblablement que Vital Kamerhe ne signe aucune lettre dont le paiement dépasse un million de dollars américains, sans l’accord du président Félix Tshisekedi », jure un de proche du directeur de cabinet du président. Toujours est-il que cette situation interroge sur l’état de l’alliance entre l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) de Félix Tshisekedi et l’UNC.

Cach et ses « malaises »

Unanimement, des cadres des deux camps (UDPS et UNC), interrogés par le GEC sur le sujet, reconnaissent des « malaises » au sein du Cach. « C’est normal qu’ils aient des embrouilles : il y a huit mois, leurs chefs, Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, étaient dans un duel pour être le candidat commun de l’opposition pour la présidentielle ; la confiance ne naît pas directement », tente de relativiser un élu proche de deux hommes.

Mais, plus on avance vers la constitution d’un nouveau gouvernement, plus de dissensions se multiplient. Des coups bas aussi… « Des articles sont commandés auprès des médias locaux pour écrire que Vital Kamerhe ‘étouffe’, ‘indispose’ et ‘frustre’. C’est comme si les commanditaires de ces pamphlets voudraient préparaient l’opinion à accepter une éventuelle éviction de notre leader du cabinet du chef de l’État, ils se trompent de combat », dénonce un membre du cabinet de Vital Kamerhe, très remonté.

Autre signe de malaise : ce tweet maladroit, rapidement supprimé, de Vidiye Tshimanga, conseiller spécial de Félix Tshisekedi en charge des questions stratégiques, posté le 28 juin, qui accusait Jeune Afrique d’essayer de « briser une équipe gagnante ». Problème : il relayait là une infox et une couverture qui n’avait jamais été publiée par ce magazine.

De son côté, à certains de ses visiteurs du soir, Vital Kamerhe confie souvent qu’il reste « serein et confiant » là où il se trouve : « Je ne fais pas de pied de grue là-bas, je connais ma place. » À d’autres, le directeur de cabinet du président de la République renchérit : « Mais comme j’ai rendu le poste intéressant, beaucoup de gens autour du chef de l’État se croient capables de diriger le cabinet et mènent un combat ». Mais, Vital Kamerhe compte surtout à la qualité de ses rapports avec Félix Tshisekedi. Récemment, lors de son court séjour parisien, entre le 21 et 25 juin, il a été reçu au Quai d’Orsay par Franck Paris, conseiller Afrique du président français, Emmanuel Macron. Et les deux hommes ont convié, dans une ambiance conviviale, le président congolais à leurs discussions via le téléphone. « Entre Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, tout semble rouler », résume ainsi d’ailleurs un diplomate français.

Une coalition sans structures formellement constituées

Mais, plongés dans la gestion de l’État à l’issue d’une présidentielle dont les résultats ont été controversés, Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe n’ont visiblement pas eu le temps d’organiser leur coalition. Sept mois après sa constitution officielle à Nairobi, le Cach ne dispose toujours pas des structures formellement établies.

Autour des deux hommes, l’on indique qu’il était prévu que Félix Tshisekedi soit solennellement consacré comme l’ « autorité morale » de la coalition et Vital Kamerhe en devienne le coordonnateur. Mais, les batailles fratricides que se livrent en sourdine les proches de l’un et l’autre ne seraient pas non plus étrangères au statu quo constaté.

Sans compte la difficile répartition encore des postes ministériels entre l’UDPS et l’UNC, mais aussi leurs principaux alliés notamment Tryphon Kin-Kiey Mulumba et Charles Bofasa Djema, sous le regard de Kitenge Yesu, haut-représentant du chef de l’État et l’un des négociateurs de Cach dans les tractations avec le Front commun pour le Congo (FCC) de l’ex-président Joseph Kabila. Dans ces conditions, le Cach tiendra-t-il encore combien de temps ? « Aujourd’hui, Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe sont comme des frères siamois : si l’un s’en va, l’autre ne survivra pas », répond leur ami commun. Mais il n’est pas certain que leurs lieutenants respectifs partagent cette métaphore.

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